Le monde des instants

Le monde des instants

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          J’ai eu beau tourner et retourner dans ma tête, quelques centaines fois, la complexité de vouloir remettre en question ce sacro-saint droit de vote, sans passer pour un nihiliste déterminé. Comment poser la question, sans pour autant être catalogué comme un anti républicain, mais au contraire en faisant valoir son droit de citoyen, sa non allégeance à une classe politique ? En quoi suis-je coupable du non-respect du droit des hommes, du citoyen français, en refusant d’adhérer à un système qui retire le pouvoir à celui qui est censé le détenir en démocratie ?

 

          Une foule de questions et de critiques me pousse à douter de la pertinence de ce droit de vote en France. J’entends ici le mode dans lequel il est appliqué et défendu, à travers le suffrage universel. L’institution qui l’a mis en place, le protège mais aussi en use et en abuse en brodant la pertinence de son efficacité. J’ai le sentiment d’une somme de symbolique, entretenue par ceux-là même qui en sont les bénéficiaires. Car bien plus qu’un simple droit c’est avant tout, un véritable pouvoir sur le devenir d’un pays et de sa population. Seulement celui-ci est-il attribué à l’institution adéquate, est-il légitime de l’offrir, de le léguer à un seul homme ? Même si ce dernier est entouré, voir restreint pour certain, par tout un appareillage institutionnel et administratif. Sans parler aujourd’hui du poids de l’image d’une sorte de reality show. À notre époque, quel est le vrai sens du pouvoir dans un pays. Occuper un poste hautement hiérarchisé pour le prestige et les privilèges ? Quel but saint, peuvent-ils viser ? Il m’est difficile de céder à ce lieu commun, mais tout de même. Quelles possibilités d’action ont réellement les personnes que le peuple met aux commandes ? La notion de gouvernement devenant parfois inutile.  Il suffit de voir la situation économique et sociale de certain pays pour se rendre compte qu’il existe un point de non-retour pour la légitimité d’un gouvernement, même démocratique. Si ce sont les marchés, les agences de notation qui détiennent les rênes, ou encore l’Europe, l’OMC… quel sens concret pouvons-nous donner aux élections ? Voyez les carrières des nouveaux dirigeants des pays qui rencontrent les pires difficultés à affronter La Crise. Ce sont des technocrates et des banquiers. Parait-il, des ex-membres de l’oligarchie des finances mondiales. J’ai le désagréable sentiment que les républiques ont bien mal aujourd’hui. Que la République peine à rester lumineuse, tandis que la Démocratie ne sait plus trop à qui appartient sa voix. Le droit de vote qui est l’un de ses plus gros piliers, se perd dans les méandres de la pratique du pouvoir, des manœuvres électoralistes et de la dite « bonne pensée citoyenne ». L’équilibre entre la légitimité d’un gouvernement et le pouvoir, est dangereux et fragile. Notre époque nous le montre à chaque instant. Je vois en permanence cette contradiction, que le droit de vote donne le Pouvoir aux élus, alors que c’est le pouvoir du vote qui doit donner le droit, l’honneur et le privilège de se faire élire. Car il faut le surligner, être élu est un immense privilège, un acte de foi, un sacrifice. Le pouvoir doit rester un outil pour œuvrer vers le bien-être des populations qui ne doivent cesser de le posséder. Qu’elles le délèguent ou non.

           

          Mais ce type de contestation est toujours rattrapé par le politiquement correct. Comme si, dans la remise en cause d’une institution, d’un droit et devoir, la seule option de discussion serait la dualité. Le manichéisme politique dans sa splendeur. La bonne pensée face à la mauvaise pensée. La masse, l’opinion publique générale, défendant bec et ongle ce droit incontestable. Les arguments sont les mêmes lors de chaque débat. Débat qui n’en a que le nom. Du combat d’une population pour obtenir le droit de vote d’un côté, au « tous les mêmes de toute façon » d’un autre. Des semblants d’idées qui ne font rien avancer. Où se trouve la réalité au milieu des grands mots jetés sans vraie référence dans les discours appelés de comptoir ? La bassesse de ces discutions sur x ou y fait de société en sont les plus grands symboles. Et quand parmi l’assemblée il se trouve un non votant, abstentionniste ou autre, ce sont les grands mots qui sont étalés sur la table. Deux extrêmes qui s’affrontent. L’individu qui va voter sans trop savoir pour qui ni pourquoi, face à celui qui se dit lassé de voir toujours les mêmes qui se présentent. Pourtant l’un comme l’autre admettent volontiers ne pas réellement voir les impacts de leurs choix dans l’évolution du pays, ni avant tout dans leur vie, leur confort. N’en avons-nous donc jamais assez ? Un combat qui n’a pas d’autre fin qu’un changement de conversation forcée. Les deux parties étant figées sur leur position respective. Cet état relationnel interne à la population, rend plus ardu encore d’élaborer une remise en cause constructive. Diviser pour mieux régner. À cela s’ajoute les personnalités de l’actu, les peoples, qui martèlent avec la détermination d’une carrière en jeux ou du moins une image, le discours du bon citoyen. À grand coup de spot, et d’applaudissement au milieu d’émission ultra calibrée, pro bonne pensée, ils rayonnent de leur ignorance, mais ressortent de l’écran avec le commentaire dans chaque maison : je n’aime pas ses spectacles, ses films, ni le personnage, mais c’est bien ce qu’il dit ». Je ne cherche pas à m’attirer les foudres de mes concitoyens qui pourraient se sentir jugés. Ma volonté est de souligner les différentes mascarades que l’on nous présente à chaque échéance électorale. Périodes qui sont, selon moi, plus des campagnes commerciales que des présentations et explications de programmes. Avec cette relation plus qu’ambiguë entre les candidats, médias et financeur des campagnes. A voir la corrélation des fréquences de passages médiatiques (hors campagne), le budget de campagne et les scores obtenus. Nous sommes loin des vrais débats publics, grandement attendus par la population. Il est pourtant plus intelligent de chercher à penser ensemble, au lieu de vouloir systématiquement convertir son voisin. C’est pour tout cela que je veux exprimer ma frustration et mes craintes autour du vote.   Car il est pour moi très clair que les élections à l’heure actuelle, n’aideront jamais un peuple à s’épanouir dans son quotidien. Les oppositions proposées ne font qu’entretenir les conflits internes du peuple, au-delà même des confrontations communautaires. Et cela malgré tous les prêcheurs de l’universalité intouchable, d’un droit de vote légataire du pouvoir absolu, celui du choix et de la décision, à une catégorie d’individus. Ils défendent ce qui est démocratiquement indéfendable. Nos représentants politiques, les élus, se réjouissent de leurs joutes verbales et médiatiques. A ce qu’ils disent c’est le signe d’une démocratie en bonne santé. Ces derniers sont apparemment plus à la recherche d’un pouvoir divin, que détenteur d’une foi inébranlable pour la conquête du bien-être du peuple qui l’aurait élu. En tout cas une partie de ce peuple. Parce qu’ici aussi il y a beaucoup à dire dans la légitimité de la majorité du suffrage que nous connaissons. Un véritable comptage des scrutins en prenant en compte les votes blancs et les abstentions, prouverait que l’idée de base du suffrage universel direct qui est la majorité plus une, est bafouée.

         

          Le droit de chacun à pouvoir aller voter est un élément indissociable de la démocratie et de la république. Ce droit représente la liberté humaine, sociale, de participer à la vie politique de son pays. Toutefois les règles du jeu doivent être respectées, aussi bien par les électeurs que par les élus, en assumant pleinement et en toute conscience leurs rôles. Quelques soient les chiffres, les statistiques, les discours ou les conjonctures sociales, politiques ou économiques, le vote est un pouvoir dont seul le peuple est détenteur. Il est hors de questions de le brader, ni de le délaisser. Toute l’intelligence de l’individu, du citoyen se doit d’être sollicitée, alimentée, informée pour enfin exercer, justement, son pouvoir du vote.



12/02/2016
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