Le monde des instants

Le monde des instants

Une écriture

          Il n’existe pas de démarche poétique, de méthode qui apprend la poésie. Certes il existe des façons de l’expliquer, de mettre des mots sur les styles et la façon d’enchainer les mots. Mais la pulsion, la vibrance du regard, ce n’est pas un processus que l’on choisit, et décide d’emprunter. Un poème dédié à une fleur, un être chéri, ou même un peuple par le rêve d’une nation ou d’une société, ne se pense pas comme une thèse ou un roman. C’est avant tout le cœur et l’âme qui s’expriment. Un instantané, accueilli et digéré, parfois ruminé par le poète. Le temps de la réflexion est l’ennemi. La prose est une frénésie qui passe si vite à travers les doigts. Ô combien il est difficile d’écrire aussi vite que son cœur, sa pensée franche. C’est comme une immense lumière qui jaillit sans crier gare. C’est une brillance qui se fixe on ne sait quand ni comment, au fond des yeux.  Le regard en devient aussi nouveau que changeant. Car ces pensées poétiques sont bercées directement par le vécu et l’environnement de son porteur. Un léger souffle de vent dans un arbre, un reflet lumineux dans une flaque lors d’une journée sombre, tant d’évènements qui peuvent prendre des proportions incroyables dans le cœur d’un poète. Et je ne parle pas des regards et des corps croisés. Comment décrire alors la puissance d’un sourire. Plus qu’une aventure humaine, comme une succession d’expérience, l’amour du vers saisit pour ne plus lâcher. C’est un saut vers l’alternance entre ombre et lumière. L’accueil sans frein de la vie et tout ce qu’elle contient. Un poète qui affirme sincèrement et en toute lucidité qu’il n’aime pas la vie, vous ment. Pire encore, il est perdu. Parce que la source de toute prose, réside dans l’existence. C’est vrai pour tout art, encore plus pour la poésie, cette science de l’instant. Je le redis, un saut vers le tout et le rien, l’espoir et le désespoir, est un pas vers l’enclenchement poétique. Non tu ne décides pas d’être dans la poésie. La seule liberté serait à la limite, d’oublier cette partie de toi ou de la vivre. De l’accepter ou la refuser. Mais une fois l’une ou l’autre direction empruntée, nul retour n’est envisageable. C’est aussi absolu que « Vivre libre ou mourir ». Si c’est la poésie que tu choisis, soit prêt à accepter les débordements tous azimuts. Les mains éternellement assoiffées de vers et de proses. Le regard d’un poète sur le monde, le vivant, à chanter à aimer et à craindre. La réalité déjà si prompte à berner les humains, ce défile encore plus au poète et parfois lui explose dans sa plus pure nudité. Pendant les premières chutes, les creux que nous croisons tous dans la vie, le ricanement du réel se mêle aux frissons et gémissements de ton cœur. Ce oui à la vie, à la poésie ne se fait pas à moitié. On n’accepte pas juste un petit peu la vie. Une fois fait, le cœur est mis à nu. Pourquoi voudrait-on se défendre contre une chose que nous avons totalement acceptée. Les bras sont ouverts en permanence. Quand on veut les refermer un peu, cela arrache une partie de nous. Au bout d’un moment cette réclusion volontaire, même voulue brève (bien que difficilement contrôlable), nous fait aussi mal que le désespoir occasionnel qui nous y avait poussé. Ma défense est de ne pas paraître. Prendre de front, et ne pas laisser échapper les émotions et sentiments qui pourraient transpirer sur le visage. L’illusion du désespoir et de la frustration est le plus grand mal de la poésie. Alors qu’il suffit de les chanter, avec la vie. Car il y a surtout, toute ces fois où le cœur s’envole. Quand les mots trouvés s’enchainent si facilement, avec tant d’exactitude dans le récit des émotions. Une exaltation céleste qui fait oublier les creux les plus profonds. Une libération qui est à consommer sans modération, à voir se consumer entre nos doigts jusqu’au papier. C’est alors que les ténèbres sont acceptées sans regrets. La lumière d’un accomplissement reste à jamais présent. Ainsi la poésie, meilleure interprète du moment présent, nous livre le chemin du grand Oui.



23/01/2016
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