Banc sale et humide 3
Arrivé chez moi, je trouve le Fly d’une sorte d’asso d’anar dans une poche de mon blouson, pour une soirée porte ouvert, un jeudi soir (public visé : l’étudiant). Pas le moindre souvenir de l’endroit où je l’ai récupéré. C’est probablement quelqu’un qui me l’a donné, pendant un débat improvisé de soirée. Une interaction sur le devant d’un bar (un bout de trottoir), lors d’une pause clope d’extérieure, bien obligé, où les discussions s’engagent avec les premiers venus. Il ne m’en faut pas beaucoup pour me faire parler, échanger sur des idées, des concepts. Le petit plus c’est d’être confronté à un point de vue différent et intelligible. Par contre, je conspue toute banalité et les conversations engagées par l’intermédiaire de lieux communs. Je les déjoue par des esquives diplomates, courtoises, mais efficaces. J’use abondamment du langage corporel pour clôturer au plus vite. Se retirer de l’axe de discussion de l’individu avec un pied qui commence à tourner sur lui-même, simulant une prise d’appui pour un départ imminent. Détourner son attention dans l’espoir de lui faire perdre le fil en regardant ailleurs. Chercher un truc dans son sac ou sa poche, dire bonsoir de loin à quelqu’un. Un regard rapide vers l’intérieur comme si un pote m’attendait ou une personne que j’aurais reconnue. Mimer un frisson et ainsi amorcer le moment du « C’est cool. Tu m’excuse mais je rentre parce que je me gèle. A plus tard peut-être ! ». Bref, n’importe quoi pour rompre le plus rapidement possible l’échange. Mais surtout ne jamais au grand jamais rebondir et/ou répondre à une formule de langage, tentative de construction d’un dialogue. Dans le cas présent c’est ce qui me fait peur. Je n’ai pas le moindre souvenir d’une discussion digne d’intérêt. Oui, je n’évite pas à tous les coups les conversations barbantes. Parfois ça part bien puis, soit elle tourne en rond, pire elle tombe rapidement dans le cliché. C’est sûrement ce qu’il s’est passer. En particulier quand le sujet tourne autour de l’anarchie. D’un côté ceux qui confondent destruction, chaos, loi du plus fort, bolchévisme, etc… et l’idée anarchiste. De l’autre, ceux qui sont convaincus qu’ils vont initier le grand soir, grâce à leur action contre la construction d’un incinérateur, une manifestation pour s’opposer à un contournement autoroutier, ou la constitution d’un parti écologique alternatif dans une commune résolument à droite. Nous sommes loin de la libre association des multiples. Mais faut bien que jeunesse se fasse. Pour la première catégorie, c’est presque plus facile de faire entendre raison. Il suffit de bien redéfinir les mots, et de désacraliser le « faire autrement ».
Quoi qu’il en soit j’irai faire un tour à cette soirée porte ouverte. Je prolonge de quelques secondes mon attention sur cette publicité volante. C’est l’inauguration d’un espace librairie en collaboration avec la FA et une maison d’édition libertaire. Tout s’explique. Voilà sans aucun doute la raison qui m’a poussé à prendre et à garder ce papier. La théorie c’est mon rayon. L’espoir de dénicher une nouvelle lecture me fait briller les yeux. Et les personnes qui s’en occupent sont souvent les plus intéressantes. En tout cas pour moi. Il en faut pour tout le monde. Nécessité d’enrichissement du multiple. Je ne serai pas à l’abri des esprits simples. Surtout dans le cadre d’une invitation massive. Peu d’entre eux viendront pour le sujet principal, les bouquins. Pour beaucoup ce sera une entame de soirée originale, qui leur permettra ensuite de se gausser d’avoir participé à un rassemblement d’anar. Peut-être même pour cracher allégrement dessus pour être rebelle jusqu’au bout. « Ouais j’y suis allé pour voir comment ils sont en place. Mais c’est des gens qui sont pas capable de s’organiser. Normal c’est des anars. En plus comme d’hab. y a pas eu assez à bouffer et ça tournait à la bière et au vin. Moi la bière me ballonne et le vin j’aime pas ça… » Et Bla et Bla et Bla… (Tarte dans la gueule) Il s’est cru à une élection du représentant cantonal de la CGT ? « Et leur espace détente, t’aurais vu les bouquins ! Ils aiment s’entendre parler. De toute façon j’y suis même pas rentré. » « Oui je suis resté jusqu’à la fin, parce que j’ai discuté avec une fille sympa » (Re tarte dans la gueule). Pourtant, ô combien l’ouverture d’un livre leur ferait du bien. Rien que pour mes oreilles. Heureusement ils sont relativement peu nombreux, et sur place on ne les n’entend pas. J’aime mieux côtoyer les zonards qui viennent s’approvisionner en argument de leur errance. Au moins tu rigoles bien.
Les dingues et les paumés sont décidément mes préférés.
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